Biennale de Venise: Visages de l’Humain
Deux expositions rendent actuellement hommage au travail photographique de Patrick de Wilde dans le cadre de la Biennale 2013 sous le patronage de la Chancellerie des Universités de Paris: à Venise, Galerie Minelli et à Florence, Villa Finaly-Sorbonne.
Venice Biennale: Human Faces
Two exhibitions presently praise the photographic work of Patrick de Wilde through the Biennale 2013 under the sponsorship of the Chancellery of the Universities of Paris: in Venice, Minelli Gallery and in Florence, Villa Finaly-Sorbonne.
Biennale di Venezia: Volti di Uomini
Attualmente due mostre lodano il lavoro fotografico di Patrick de Wilde attraverso la Biennale 2013 con il patrocinio della Cancelleria delle Università di Parigi: a Venezia, nelle Galleria Minelli e a Firenze, alla Villa Finaly-Sorbonne.
Texte du Discours Inaugural
“Je suis photographe“. Devrais-je dire : “je ne suis que photographe“!
Je génère des images comme l’Idiota, célébré par Nicolas de Cues, produit des objets, simplement, en artisan.
Les études artistiques que j’ai suivies durant cinq ans, entre les Métiers d’Arts et l’Ecole Supérieure d’Arts Graphiques de Paris, ne m’ont formé à d’autres modes opérationnels que celui du sensible. Je n’ai ainsi de légitimité méthodologique —si l’on peut dire— que celle acquise par ma pratique intensive du voyage.
J’ai parcouru le monde en spectateur. Ouvert et curieux, je me suis seulement efforcé de répondre spontanément à l’appel des êtres et des choses de façon à coïncider au mieux avec ce qu’ils pouvaient présenter d’unique et d’étonnant.
Ce coup d’œil affranchi, que l’on pourrait voir comme une connaissance intuitive, se trouve au cœur même de l’acte photographique.
Observateur passionné, le faiseur d’images butine le monde comme le papillon, il s’en délecte et sans cesse le questionne. Il est le peintre de la circonstance, le questeur de l’instantanéité.
Son ignorance —qui lui évite de se perdre en raisons— lui permet de garder intacte sa capacité d’étonnement. C’est parce qu’il porte en lui cette insuffisance qu’il peut, dans ses déambulations hasardeuses, capter la vie d’une façon toujours renouvelée.
Car, si le photographe cultive l’entière conviction [peut-être feinte] de ne rien connaître, il possède le sentiment [peut-être déraisonnable] d’être un œil qui voit. Il saura, dans l’infinité des possibles et des variantes se démultipliant selon les angles et les lumières, s’ajuster au mieux aux apparences. Se livrer à leur exploration émerveillée.
J’ai porté mon regard sur le monde, au plus loin que j’ai pu, hors des sentiers battus, pour en observer les habitants. Je me suis appliqué à les photographier sans artifice, dressant mon studio au plus proche de leur quotidien.
Chacune de mes photos est d’abord une rencontre, un échange, une singularité. Mais, au delà des fondements régionaux et des valeurs coutumières, chacune exprime finalement la possibilité d’une appartenance plus large.
Faire se tenir côte à côte, par la magie de leur exposition, les Himbas et les Quichés, les Emberas et les Mursis, les Padaungs et les Konyaks… crée un panel original qui, s’il présente autant de façons différentes et singulières d’exister en tant qu’être humain, produit aussi un ineffable sentiment d’universalité.
Harmonie unificatrice qui n’est certes pas indépendante de ma propre émotion esthétique.
Dressant les sujets devant le même fond noir, neutre, immatériel, j’ai voulu dépasser les attributs manifestes et toucher aux qualités fondamentales pour, en définitive, mettre en regard des moments d’Hommes avec d’autres moments d’Hommes.
Chacun de nous émerge de la nuit pour prendre formes. Non une seule forme mais une multitude infinie de visages changeants et incertains avant que cette même nuit ne nous absorbe comme elle nous a engendré. Et les photos restent ainsi comme les traces d’un passage, des reliques en quelque sorte, pour assurer que nous avons été.
Se substituant au vécu lui même, elles s’imposent comme le témoignage d’un moment dont on ne saurait dire s’il a ou non vraiment existé autrement que dans l’imagination, mais sur lequel nous bâtissons néanmoins notre propre fiction, donnons sa forme à la vie.
J’aime cette conception romantique qui veut que les peuples se modifient selon le lieu, le temps et leur caractère, et que chacun porte en lui l’harmonie de sa perfection, non comparable à d’autres. Chaque époque, chaque peuple, chaque individu, chaque expression de la vie aurait ainsi sa dignité et son bonheur propres qui le font indispensable.
Dans un monde embrouillé et précipité ou le progrès et la mode, l’être et le paraître, la culture et le divertissement se confondent, la photographie —tel que je la comprends— se doit d’aborder les choses avec une forme particulière de sollicitude et d’application, de liberté et de vigilance, de légèreté et de soin… qui fera que le monde —du moins son image— s’en retrouverait bonifiée.
Concentré sur l’instant, le photographe invite ainsi à vivre les yeux ouverts, écarquillés sur ce qui est. Certain que le rôle essentiel de l’individu est de s’étonner de l’univers, il martèle inlassablement avec Louis Pauwels que celui qui a été capable de s’émerveiller, même s’il doit un jour être écrasé par le monde, a su qu‘il était utile et bon d’être Homme.